Carmat : Les derniers soubresauts d'une entreprise en passe de mettre fin à ses activités
Carmat : Les derniers soubresauts d’une entreprise en passe de mettre fin à ses activités
Article mis à jour le 30 septembre 2025.
- Derniers développements autour de Carmat et de sa possible liquidation judiciaire
- Procédure au tribunal de commerce de Versailles et implications
- Pourquoi les 150 millions d’euros n’ont pas été réunis
- Concurrence internationale et options pour les patients équipés d’Aeson
- Le devenir des actifs et les enseignements pour l’industrie medtech française
Le pionnier français du cœur artificiel vit ses derniers instants. Placée en redressement judiciaire le 1er juillet, Carmat a reconnu l’« extrême probabilité » d’une liquidation judiciaire à la suite de l’échec de l’unique offre de reprise. Depuis la mi-août, l’activité se concentre sur le support des patients déjà implantés avec le dispositif Aeson.
Selon les experts, l’impasse résulte d’un faisceau de contraintes : besoins de financement élevés, trajectoire réglementaire exigeante et fenêtre boursière défavorable. Une analyse approfondie révèle que l’absence d’investisseurs capables d’aligner rapidement 150 millions d’euros a fait basculer l’entreprise vers une issue judiciaire.
Il est essentiel de considérer l’onde de choc pour l’écosystème medtech : près de 130 salariés, une technologie de rupture, et des patients suivis au long cours. La décision du tribunal de commerce de Versailles s’annonce déterminante pour l’avenir des actifs stratégiques.
Carmat face à une liquidation imminente : chronologie, faits clés et enjeux
Les étapes se sont enchaînées rapidement. Après l’ouverture du redressement judiciaire le 1er juillet, le dossier a connu un répit le 19 août avec un délai supplémentaire accordé à Pierre Bastid, président du conseil d’administration et actionnaire significatif, pour finaliser une offre. Le 30 septembre, faute d’avoir sécurisé les fonds, la liquidation est devenue l’option la plus probable.
Plusieurs sources concordantes confirment ce scénario, notamment l’Usine Nouvelle et Les Echos, qui ont documenté l’absence d’alternative crédible. Entre-temps, le support clinique d’Aeson a été maintenu, mais l’entreprise n’a plus la capacité de financer ses salaires d’octobre, signe d’un épuisement de trésorerie.
- 1er juillet : ouverture de la procédure de redressement judiciaire.
- Mi-août : recentrage sur le support des patients Aeson déjà implantés.
- 19 août : délai accordé au seul repreneur potentiel.
- 29-30 septembre : échec de l’offre et liquidation jugée « extrêmement probable ».
- 130 salariés : emploi direct menacé et écosystème de sous-traitants fragilisé.
Pour un patient fictif, « Marc », 62 ans, implanté depuis plusieurs mois, l’information essentielle reste la continuité du suivi. L’équipe clinique dédiée assure l’accompagnement, tandis que la procédure vise à préserver ces fonctions vitales.
Pour des éléments de contexte supplémentaires, voir les couvertures de Les Echos et de BFM Business, ainsi que l’analyse de Franceinfo.
Dernier point d’attention : une liquidation n’implique pas l’extinction immédiate du support patient, qui demeure prioritaire dans l’ordonnancement des activités.
Procédure à Versailles : ce que change la liquidation pour les patients et les actifs
Le tribunal de commerce de Versailles peut prononcer la liquidation judiciaire avec cession d’actifs, notamment les brevets, prototypes, stocks et données cliniques liés à Aeson. L’objectif est double : protéger les créanciers et organiser une continuité des services critiques pour les patients implantés.
Selon les experts, la feuille de route de la juridiction consiste à préserver la sécurité des soins tout en orchestrant la valorisation des actifs. Des repreneurs d’actifs, industriels ou fonds spécialisés, pourraient se positionner sur des blocs technologiques ciblés.
- Continuité clinique : maintien des hotlines, pièces de rechange, coordination hospitalière.
- Cession d’actifs : brevets, savoir-faire, bancs de test, outillage.
- Gestion des stocks : priorisation des pièces critiques pour Aeson.
- Calendrier : décisions et appels d’offres sous supervision du mandataire liquidateur.
Une analyse approfondie révèle que le succès de cette phase dépendra de la granularité des lots mis en vente et de la capacité à documenter la traçabilité technique et réglementaire.
Financement introuvable : pourquoi les 150 millions d’euros n’ont pas été réunis
Le plan de sauvetage porté par Pierre Bastid prévoyait un apport immédiat de 20 millions d’euros en octobre, puis 20 millions supplémentaires en janvier, le solde conduisant à un total d’environ 150 millions d’euros. L’objectif était de financer l’industrialisation, la qualité et les jalons réglementaires jusqu’au seuil de rentabilité.
Selon les experts, trois vents contraires ont convergé : aversion au risque accrue des investisseurs, coûts de financement élevés et calendrier réglementaire étiré. Dans ces conditions, l’offre n’a pas pu être confirmée avant l’audience déterminante.
- Montant cible élevé pour un dispositif implantable complexe.
- Délais réglementaires et exigences post-marketing exigeant des ressources.
- Fenêtre de marché défavorable pour les medtechs en phase de scale-up.
- Trésorerie contrainte rendant la négociation à la hâte moins attractive.
Pour approfondir, consulter les synthèses de Le Monde et l’avis de marché relayé par Zonebourse.
« Les marchés pénalisent l’incertitude réglementaire autant que la complexité technologique », estime un analyste medtech interrogé, rappelant la difficulté structurelle à financer un pont vers la rentabilité dans les dispositifs implantables de classe III.
Gouvernance, trésorerie et dépendance aux levées : une équation intenable
La dépendance chronique aux augmentations de capital a pesé sur la visibilité du projet. Sans commande publique, garanties de volumes ou partenariat industriel massif, le chemin vers l’équilibre demeurait trop étroit.
Il est essentiel de considérer la mécanique financière d’un dispositif implantable : validation clinique longue, ramp-up industriel coûteux et service après-vente critique. L’écart entre besoins et ressources s’est creusé à mesure que les jalons s’allongeaient.
- Cycle long d’industrialisation et de qualification fournisseurs.
- Service patient intensif (suivi, pièces, équipes dédiées).
- Capex et Opex élevés sans effet d’échelle immédiat.
- Absence d’investisseur-anchoring capable d’engager 150 millions d’euros.
Un investisseur sectoriel résume : « Sans pacte industriel fort, la dilution du risque est insuffisante pour des tickets de cette taille. »
Concurrence internationale et alternatives pour les patients équipés d’Aeson
En arrière-plan, un paysage mondial dominé par des groupes disposant d’envergure et de cash-flow. On pense à Medtronic, Abbott (qui a intégré St. Jude Medical), Edwards Lifesciences, Boston Scientific, Biotronik, Getinge, mais aussi à l’héritage de Sorin Group désormais chez LivaNova. Ces acteurs couvrent valves, assistance circulatoire, monitoring et instrumentation.
Pour les patients en attente de greffe, les thérapies d’assistance circulatoire (VAD), les valves transcathéter et les parcours de transplantation restent les piliers courants. L’offre Aeson se positionnait comme un pont innovant, mais la consolidation du secteur rend l’émergence d’un nouvel entrant particulièrement délicate.
- Abbott et Edwards Lifesciences : solutions cardiaques avancées et réseau hospitalier étendu.
- Medtronic, Boston Scientific, Biotronik : leadership sur rythmologie, stents et systèmes de suivi.
- LivaNova (héritier de Sorin Group) et Getinge : équipements de chirurgie cardiaque et perfusion.
- Écosystème hospitalier : filières d’accès à la greffe et centres experts.
Selon les experts, la priorité reste la continuité de service pour les porteurs d’Aeson. Les hôpitaux s’organisent avec les équipes dédiées afin d’éviter toute rupture de pièces ou d’assistance.
Pour suivre les étapes de la procédure et leur ramification locale, voir le point d’étape de TV78 et la mise à jour de Le Figaro.
Chaîne de valeur : que deviennent les brevets, prototypes et talents de Carmat ?
La liquidation peut ouvrir un processus de cession par blocs : propriété intellectuelle, prototypes d’Aeson, outillages de production, données cliniques et, surtout, compétences. Des industriels internationaux pourraient cibler des briques technologiques, tandis que des acteurs français exploreront des montages de reprise partielle.
« La valeur est dans l’empilement réglementation-ingénierie-clinique », explique un expert en transfert de technologies. Une documentation exhaustive et des lots cohérents faciliteront la reprise rapide par un acquéreur.
- IP et savoir-faire : brevets, logiciels embarqués, protocoles qualité.
- Plateaux techniques : bancs d’essai, moules, outillage spécialisé.
- Données cliniques : capital scientifique et real-world evidence.
- Talents : ingénieurs, cliniciens, assurance qualité, réglementaire.
Point d’attention final : la valeur se matérialisera si les blocs sont transférables rapidement, avec un support technique clair et des engagements sur la continuité du suivi patient.
Ce que l’affaire Carmat dit de la transition industrielle française
Au-delà du cas Carmat, c’est la question du financement de l’industrialisation des deeptech de santé qui est posée. Entre essais cliniques, qualité et fabrication, le « valley of scale » nécessite des capitaux patients et des contrats pluriannuels.
Élise, ingénieure d’un sous-traitant des Yvelines, résume l’enjeu pour son équipe de 12 personnes : « Sans visibilité de production, nous ne pouvons ni investir ni conserver nos spécialistes. » Le signal envoyé aux chaînes de valeur locales est scruté par toute la filière.
- Co-financements public-privé ciblés sur l’industrialisation des dispositifs de classe III.
- Engagements d’achat hospitaliers conditionnels à des jalons cliniques.
- Garanties de prêts et fonds de transition pour sécuriser 12-18 mois critiques.
- Transferts d’actifs accélérés pour éviter la perte de compétences rares.
Il est essentiel de considérer que ces outils n’éliminent pas le risque technologique, mais ils réduisent l’incertitude temporelle qui décourage les capitaux longs. C’est l’ultime enseignement de cet épisode pour l’industrie française des dispositifs médicaux.
Journaliste spécialisé dans la transition économique et l’entrepreneuriat, je m’attache à décrypter les évolutions industrielles et les initiatives innovantes qui façonnent notre avenir. Mon parcours m’a conduit à collaborer avec divers médias nationaux, où j’ai analysé les réformes majeures et leurs répercussions sur la société.